CHAPITRE UN
— Tu es nerveuse ?
Brooke se tourna vers la fenêtre ouverte de la voiture, fermant les yeux alors que la brise marine ébouriffait ses cheveux. — À ton avis ?
— Ne rends pas les choses plus difficiles qu'elles ne le sont déjà. Elle entendit la moue dans la voix de sa mère, même si elle ne pouvait pas la voir. Du coin de l'œil, elle vit sa mère tendre la main pour baisser le volume de la radio, puis la remettre sur le volant.
— C'est toi qui rends les choses difficiles, dit Brooke.
— Non, c'est ton père qui a rendu les choses difficiles. Ce n'est pas moi qui ai couché avec mon assistante dentaire. Enlève tes pieds du tableau de bord. La voix de sa mère était sèche, ses mots empreints de colère et de frustration.
Brooke obtempéra en poussant un soupir exagéré. — Pourquoi je ne peux pas aller dans mon ancien lycée ?
— Oh, je ne sais pas. Peut-être parce qu'on a dû déménager. Peut-être parce que je ne peux pas me permettre une maison à un million de dollars avec mon salaire. Peut-être parce que tu t'adapteras mieux si tu vas dans la même école que nos voisins.
— Je ne veux pas "m'adapter". Brooke mima des guillemets avec ses doigts. — En trois mois, je ne me suis pas fait un seul ami dans cette stupide résidence. Alors pourquoi je dois aller à Canyon Crest ?
— Brooke, s'il te plaît. Elle entendit l'épuisement dans le ton de sa mère - la supplication.
Brooke serra son sac à dos plus fort contre sa poitrine. — C'est nul. Stupide papa. Stupide Shandi, avec ses faux seins et son Botox.
— Tu te feras de nouveaux amis assez vite. Vois le bon côté des choses - au moins c'est aussi le premier jour pour tout le monde. Sa mère s'arrêta devant l'école. Elle s'étalait sur la propriété en de nombreux bâtiments, intimidante et vaste. — Tu veux que je t'accompagne jusqu'à ta classe ?
— Ouais, parce que ça va m'aider à me faire des amis. J'aimerais vraiment que tu puisses m'accompagner en classe sans me faire passer pour une tarée. — Ça ira, maman. Brooke détacha sa ceinture et ouvrit la portière de la voiture.
Sa mère lui attrapa la main, l'attirant près d'elle pour un rapide baiser sur la joue. — Bonne chance, ma chérie.
— Ouais.
Brooke sentit le regard de sa mère sur elle tout le long du chemin jusqu'à l'école. Elle s'était inscrite aux cours la semaine dernière, elle contourna donc le secrétariat et se dirigea vers son premier cours d'anglais avancé dans le bâtiment D. L'appréhension faisait trembler ses jambes tandis qu'elle traversait le campus parsemé de palmiers. Elle détestait ça. Elle détestait recommencer à zéro.
Elle détestait son père pour leur avoir fait ça.
L'amour n'était-il pas censé être éternel ? Elle savait que le divorce existait, mais ce n'était pas censé arriver à ses parents. Ils étaient le "ils vécurent heureux" dont tout le monde parlait. Sauf qu'ils ne l'étaient pas. Brooke avait senti que les choses se délitaient des mois avant que l'infidélité ne soit révélée. Ça avait été subtil, presque imperceptible. Des nuits tardives au bureau. Des disputes entre ses parents. Son père qui s'était soudainement mis à aller fréquemment à la salle de sport. Et Brooke avait été forcée de tout observer, redoutant l'inévitable fin.
Pourquoi son père avait-il engagé cette stupide Shandi ?
Brooke serra la mâchoire et ouvrit brusquement la porte du bâtiment D. Ses oreilles se remplirent instantanément du bavardage des amis se retrouvant après les vacances d'été. Brooke se fraya un chemin à travers les groupes de personnes rassemblées devant les casiers ouverts, les yeux résolument fixés sur ses pieds. Elle n'était pas d'humeur à se présenter à de nouvelles personnes et à faire comme si la vie était géniale alors qu'elle ne l'était pas. Au moins, personne ne venait vers elle avec des sourires compatissants et des mots qui ne faisaient rien pour la faire se sentir mieux. Peut-être qu'un nouveau départ ne serait pas si mal après tout. Ici, elle n'avait pas à expliquer la séparation à qui que ce soit.
Brooke trouva son casier et fit tourner le cadran, puis y plaça son déjeuner. La sonnerie retentit, signalant qu'il restait cinq minutes avant la sonnerie de retard. Brooke hissa son sac à dos plus haut sur son épaule et se dirigea vers la salle cent huit.
La salle n'avait rien d'unique - des panneaux d'affichage recouverts de papier kraft, l'odeur des marqueurs effaçables à sec et de désinfectant. Les bureaux de chaque côté de la pièce se faisaient face, laissant une grande allée au centre. Brooke n'avait jamais eu de problème avec ce type d'agencement de classe. Jusqu'à aujourd'hui. Avec seulement trois rangées de bureaux de chaque côté, il serait plus difficile de se cacher. Quelques élèves flânaient dans la salle, discutant avec des amis. Brooke prit une place libre sur l'une des rangées du fond et s'assit. Elle sortit rapidement un livre de son sac à dos - Emma, son roman d'Austen préféré - et y enfouit son visage. Peut-être que si elle lisait, elle n'aurait pas à se présenter à qui que ce soit.
Je vais devoir me faire des amis à un moment donné. C'est là que je vais être coincée pour les deux prochaines années. Même si ses parents étaient en médiation, elle avait peu d'espoir que les deux se remettent ensemble. Deux ans. Ensuite, elle pourrait partir à Los Angeles et devenir une vraie entremetteuse. C'était son rêve depuis qu'elle avait lu un article sur le métier d'entremetteur dans un magazine trois ans plus tôt, mais la séparation de ses parents le rendait creux.
Brooke ferma les yeux, luttant contre la douleur. Elle était douée pour mettre les gens en couple. Elle savait qui irait bien ensemble et qui n'irait pas. Ce couple qui gloussait près du tableau blanc, par exemple - ils envoyaient des signaux dans tous les sens montrant qu'ils étaient attirés l'un par l'autre. Sa main sur son bras, ses doigts jouant avec ses cheveux, leurs yeux se détournant et revenant l'un vers l'autre. Ils fonctionneraient, pendant un an ou deux au moins, ce qui était pratiquement une éternité en termes de lycée. Elle le savait tout comme elle savait que le gars qui flirtait avec la fille près du taille-crayon le faisait pour se pavaner devant ses amis.
— Luke ! Un garçon aux cheveux blond décolorés et aux chaussures de skateur sauta par-dessus un bureau et frappa dans la main d'un autre gars. — Comment étaient tes vacances ?
— Géniales. Le deuxième garçon sourit, et le souffle de Brooke se bloqua dans sa gorge. Il avait les dents les plus droites et les plus blanches qu'elle ait jamais vues. Et ces yeux... ils étaient si bleus qu'elle pouvait en distinguer la couleur même de l'autre côté de la salle. Pas un bleu clair comme les siens, mais plus foncé, plus intense. Il portait une veste de sport universitaire et avait des pommettes à tomber par terre. Ses cheveux étaient foncés, en désordre et parfaits.
Non. Tu n'as pas le droit d'avoir le béguin pour qui que ce soit cette année, Brooke. Elle en avait fini avec les hommes, au moins temporairement.
— J'ai entendu dire que toi et Beth aviez rompu, dit Chaussures de Skateur.
Luke haussa les épaules. — C'était bien tant que ça a duré.
— Ça a duré un mois.
Luke se gratta la tête. — Ça ne marchait pas.
— Tu trouveras quelqu'un d'autre bientôt, dit Chaussures de Skateur, puis il fit des bruits de bisous.
Luke poussa le garçon. — La ferme, Chris. Luke fit un signe de tête en direction de Brooke.
Elle plongea rapidement le nez dans son livre, espérant qu'ils ne l'avaient pas surprise en train de les fixer.
— Alors, c'est qui la nouvelle ? demanda Luke d'une voix basse. C'était presque un murmure, et Brooke eut du mal à distinguer les mots.
— Pas sûr. Une transfert d'un autre lycée ?
Brooke s'enfonça un peu plus dans son siège, sentant ses joues s'empourprer. Elle devait combler quelques lacunes, mais elle avait saisi l'essentiel de ce qu'ils disaient. Dans une école de deux mille élèves, elle n'aurait pas pensé que son statut de « nouvelle » serait si évident.
— Hein.
Cela ressemblait encore à la voix de Luke.
— ... prochaine conquête, dit Chris en donnant un coup de poing dans le bras de Luke. Parlaient-ils toujours d'elle ? — Elle est canon.
— Tais-toi, mec.
Chris fit encore des bruits de bisous. — Si tu ne l'invites pas à sortir, je le ferai.
Les doigts de Brooke se resserrèrent autour du livre. Ils parlaient très certainement d'elle, même si elle devait tendre l'oreille pour entendre. Ne leur prête pas attention. Ce ne sont que des garçons qui se comportent comme des garçons. Et les garçons, c'est nul.
— Elle n'a pas son mot à dire dans l'affaire ? La voix de Luke s'était élevée, bien que toujours dans un chuchotement discret. — Elle a l'air d'être le genre de fille qui a meilleur goût que toi.
— Donc tu penses qu'elle est canon.
— Chut, elle va nous entendre. Ouais, d'accord. Elle est canon.
— Peut-être qu'elle pourrait être ta prochaine Beth.
Et peut-être que l'enfer gèlera aussi.
ÉDITION FRANÇAISE
119 Pages
1-2 Heures
19k Mots
